Gary King, un professeur américain d'Harvard a publié en 2013 les résultats
de son étonnante étude sur le fonctionnement de la censure en Chine. Quelques années seulement après Mark Zuckerberg, qui a quitté Harvard pour
fonder Facebook, Gary King, professeur de sciences politiques issu de la même
université, a lui aussi lancé son propre réseau social.
Cependant, à la différence
de son prédécesseur, son site n’avait pas vocation à rapporter un quelconque
profit; mais a révéler au grand jour les mécanismes qui permettent et régissent la censure des
sites internet en Chine.
Depuis la mise en place du projet “Bouclier d’or” qui a instauré sur toute
la Chine différents systèmes de censure d’internet, les fournisseurs d'accès à Internet acceptent
de s'autocensurer conformément aux directives gouvernementales. Pour ne pas
mettre en danger les personnes impliquées dans son projet, Gary King n’a pas
divulgué l'URL de son site.
Ce que nous savions déjà
Les études faites antérieurement avaient surtout observé les réseaux
sociaux chinois pour déterminer quel type d’information y était censuré.
Certaines notamment reposaient sur des interviews de personnes impliquées dans
le système de censure, qui acceptaient de parler du rôle qu'ils y jouaient. Ces
études avaient alors montré que la censure chinoise reposait principalement sur
un filtrage automatique qui bloque des posts et les soumet au contrôle de
censeurs avant leur publication en ligne; et que la censure des sites chinois était
plutôt irrégulière et recourait souvent à un simple contrôle manuel.
Des recherches menées par des équipes
de Harvard ont également mis en lumière que le système de censure chinois
repose sur un marché capitaliste étonnamment dynamique, au sein duquel des
entreprises se font concurrence pour offrir de meilleurs services et
technologies de censure.
L’innovation de King
Mais en s'adressant à un important fournisseur chinois de logiciel en ligne
pour l'aider à gérer son site, Gary King est allé bien plus loin qu’aucun autre
avant lui. En basculant de l’autre cote du l’écran et en devenant lui-même webmaster,
il a pu se retrouver aux premières loges pour étudier les outils de la censure,
et cela, au-delà de la simple observation des réseaux sociaux. Ainsi, il a pu
demander à son fournisseur tout ce qu'il souhaitait savoir sur le mode
d'utilisation des différents outils mis à sa disposition pour censurer.
"Quand nous avions des questions, il nous suffisait d'appeler le service
clientèle. Ils étaient payés pour nous aider." explique-t-il dans une
interview à Courrier International.
Selon lui, le logiciel chinois qui lui avait été fourni pour gérer son site
disposait d'une panoplie d'outils de censure automatique assez complexes et son
fournisseur lui a même prodigué des conseils d'utilisation. "Les options
étaient vraiment stupéfiantes", a-t-il encore observé.
Trois censeurs pour 50 000 utilisateurs
Non seulement les posts pouvaient être automatiquement bloqués pour être
contrôlés manuellement par un censeur en fonction de certains mots-clés, mais
ils pouvaient être traités de différente manière selon leur longueur, l'endroit
où ils apparaissaient sur le site et s’ils entamaient une conversation ou la
poursuivaient. Certains internautes pouvaient être la cible d'une censure plus
agressive, en fonction de leur adresse IP, de la date de leur dernier message
et de leur réputation dans le cyberespace.
Un système de censure de plus en
plus élaboré
Des appels passés par Gary King au service clientèle du fournisseur du
logiciel ont également révélé qu'il était possible d'acquérir une série de
modules payants pour obtenir des options de filtrage encore plus sophistiquées.
Ces conversations ont également permis d'éclaircir le vieux mystère du nombre
de censeurs chinois contrôlant les posts publiés sur Internet.
Un secteur en besoin constant de
main d’œuvre
Toujours selon l’étude de King, pour être en mesure de répondre aux
exigences du gouvernement, un site chinois doit aujourd’hui employer entre deux
et trois censeurs pour 50 000 utilisateurs. Il estime donc qu'il existe aujourd’hui
entre 50 000 et 75 000 censeurs travaillant pour des entreprises du Web en
Chine. Le journal pékinois Xinjingbao avait indiqué à cet égard, le chiffre de
deux millions pour estimer le nombre de personnes employées dans le pays à
"analyser l'opinion sur internet" sous la direction du ministère de
la Propagande et des sites internet. Leur travail consiste à observer
quotidiennement les commentaires sur les informations qui font le buzz du jour
et à faire leurs rapports aux "décideurs".
Des outils de plus en plus variés et
performants
Dans une expérience menée parallèlement à celle de King, l'équipe de
Harvard a recruté des dizaines d'internautes en Chine pour poster 1 200
messages sur 100 réseaux sociaux afin de voir lesquels étaient censurés. Un peu
plus de 40% ont été immédiatement bloqués par des outils de censure
automatique ; certains ont été publiés un ou deux jours plus tard,
d'autres jamais. A en juger par les sorts différents réservés aux posts, ces
sites utilisaient un large éventail de technologies et de méthodes de censure.
Sources: - La Chine, la censure et le Web
Pour davantage d'informations sur la législation chinoise, lisez l'article suivant sur le VISA de travail en Chine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire